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Archive pour janvier, 2011

Charlot garçon de théâtre (The Property Man) – de Charles Chaplin – 1914

Posté : 12 janvier, 2011 @ 2:34 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Charlot garçon de théâtre

• Titres alternatifs (VO) : The Roustabout, Getting his goat, Vamping Venius, The Vamping Venius, Props

• Titre alternatif (VF) : Charlot accessoiriste, Charlot dans les coulisses, Charlot monte sur les planches

C’est le premier deux-bobines dont Chaplin peut assumer totalement la paternité. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce court métrage n’est pas sorti sur les écrans dans l’indifférence générale… Plusieurs critiques ont crié au scandale devant le comportement de Charlot, homme à tout faire dans les coulisses d’un music-hall, qui passe son temps à martyriser son second. Ce qui n’est pas unique dans l’œuvre de Chaplin, sauf que l’homme en question est un vieillard un peu voûté, que Charlot s’évertue à rouer de coups, et laisse croupir durant de longues minutes sous une lourde malle. On peut comprendre les réactions des critiques de l’époque : voir ce vieil homme tout frêle s’en prendre plein la tête n’est pas la chose la plus drôle qu’on ait vu dans un film de Chaplin.

De là à crier au scandale, il y a tout de même un fossé. Et puis il faut reconnaître à ce court métrage un rythme trépidant : pas le moindre temps mort dans cette comédie qui se déroule exclusivement dans l’espace étroit d’un théâtre, entre les coulisses et la scène, les deux interagissant souvent. On y retrouve une galerie de personnages qui nous est familière, avec en particulier l’éternel costaud que Charlot finira par dominer, ici à coups d’haltères et de lance d’incendie.

Très rythmé, le film se termine dans un grand n’importe quoi, Charlot se mettant tout le monde à dos (sauf le public du théâtre, hilare, au milieu duquel on retrouve un Mack Sennett à l’air franchement ahuri), et tenant à distance tous ses adversaires à grands coups de jets d’eau.

C’est un peu discutable, mais c’est du travail propre et sans temps mort.

Meurtre (Murder !) – de Alfred Hitchcock – 1930

Posté : 12 janvier, 2011 @ 2:26 dans * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Meurtre

Hitchcock a-t-il toujours été un génie ? Oui, oui, oui. Et le tout début du parlant est la période idéale pour en juger : alors que l’immense majorité des films sortis à cette époque semblaient oublier consciencieusement les richesses du langage cinématographique muet, Hitchcock, lui, s’amuse déjà à inventer de nouvelles formes, jouant à la fois sur les images (magnifiques, parfois proches de l’expressionnisme allemand, dont il s’est abreuvé à ses débuts, fréquentant notamment les plateaux de Murnau à Berlin) et sur le son. Non seulement il signe le meilleur film anglais de cette année-là (ce qu’il n’est pas une référence ultime, quand on connaît le niveau de la production ciné britannique de l’époque), mais il contribue aussi sérieusement à refaire du cinéma un art.

Le sujet, pourtant, n’était guère engageant. Mais c’est souvent le cas chez Hitch : une fois de plus, il s’empare d’une petite pièce populaire à succès, que d’autres filmeraient platement, se contentant de raconter l’histoire à grand renforts de dialogues explicatifs. Lui se sert de ce cadre un peu étriqué pour se lancer des défis de mise en scène (ce qu’il fera toute sa vie). Et ici, après un Blackmail déjà franchement pas mal, il se montre très, très inspiré.

Cette inspiration se sent dès la séquence d’ouverture : grâce à un lent travelling, Hitch présente le cadre de son intrigue, et quelques-uns des protagonistes, les habitants d’une petite rue étroite, travaillant pour la plupart dans un cabaret voisin, et où un meurtre est commis. Cette séquence est époustouflante et d’une complexité étonnante, mais totalement maîtrisée, avec ce petit grain de folie qui fait la différence.

Hitchcock enchaîne sur un tout autre registre, et on se dit qu’on va assister à une sorte de Douze hommes en colère avant l’heure : après le procès de la femme accusée du meurtre, les jurés se retrouvent entre eux. Pressés d’en finir, la plupart la désignent comme coupable, excepté un homme, qu’on devine être le héros, et qui est en fait un grand comédien. Lui pense que la jeune femme est innocente. Et on se dit qu’il va batailler ferme, et finir par convaincre un à un les autres jurés, comme Henry Fonda dans le film de Lumet. Et puis non. Par faiblesse, par fainéantise, par lâcheté, le comédien abandonne la partie, et laisse l’accusée être condamnée à mort… Plutôt gonflé, d’autant plus qu’on n’a plus guère de doute sur l’innocence de la jeune femme.

Suit une séquence devenue mythique : alors qu’il se rase devant sa glace en écoutant de la musique, le comédien (joué par un authentique homme de théâtre, Herbert Marshall, assez exceptionnel) s’interroge en voix off sur l’innocence de la jeune femme. C’est une scène d’une grande simplicité, réalisée en direct sur le tournage (un orchestre était présent sur le plateau, et la voix off de Marshall, enregistrée au préalable, était diffusée alors que la caméra filmait les réactions de l’acteur), mais d’une richesse et d’une efficacité extrêmes.

Ce qui suit est à l’avenant, Hitchcock déclinant tout au long du film des parallèles et des interactions entre la comédie et la vie réelle. Ça pourrait être lourdingue et imbuvable, mais c’est d’une immense finesse et d’une intelligence rare. Et cela donne quelques scènes d’une force ahurissante, comme la représentation finale du véritable assassin. A couper le souffle.

Méconnue par rapport à ses grands classiques américains, mais aussi par rapport à ses plus grands succès britanniques (Les 39 marches ou Une femme disparaît), Murder ! est encore un film de jeunesse, mais c’est l’œuvre d’un génie en devenir, qui a déjà l’étoffe d’un immense cinéaste.

Capitaine de Castille (Captain from Castile) – de Henry King – 1947

Posté : 12 janvier, 2011 @ 2:08 dans 1940-1949, KING Henry | Pas de commentaires »

Capitaine de Castille

Vous voulez ressentir l’excitation de l’inconnu ? le vent qui balaye votre visage ? les embruns qui mouillent votre chemise ? les folles cavalcades à travers la plaine ? le souffle de l’histoire en marche ? Ne cherchez plus : Capitaine de Castille est l’un des fleurons des superproductions hollywoodiennes de l’après-guerre, un vrai et grand film d’aventures tourné à une époque où les grands studios voulaient en sortir (des studios) et démontrer leur savoir-faire en matière de reconstituions historiques.

Celle de ce film ample qui sait prendre son temps (2h15, et pas une minute de trop) est impressionnante. Henry King, vieux briscard d’Hollywood depuis déjà trente ans, reconstitue la fameuse expédition de Cortez au Mexique, à la fin des années 1510. Les cartons de début l’affirment haut et fort : le réalisme de la reconstitution sera l’un des points forts du film, tourné en grande partie sur les lieux réels de l’expédition. Et avec des centaines… que dis-je : des millier… que dis-je : des dizaines de milliers de figurants, représentants les populations indigènes et l’armée de Cortez. C’est un film à très gros budgets, mais on peut dire que l’argent est bel et bien à l’écran.

Pourtant, Capitaine de Castille est bien plus qu’une superproduction de plus. On ne verra rien des actes sanglants commis par les hommes de Cortez, ni des batailles qu’ils auront à mener. On pourrait croire que c’est une volonté de lisser cet épisode glorieux mais discutable de l’histoire, mais il n’en est rien, bien au contraire. En évitant toute scène qui pourrait glorifier l’héroïsme de ces hommes, King signe un film délicieusement ambigu. « Pourquoi agissez-vous ainsi ? » demande l’ancien esclave Coatl à Pedro de Vargas, alors que les hommes de Cortez viennent de détruire une idole. « Je ne sais pas », répond sobrement le héros.

Un drôle de héros, en fait, campé par celui qui est pourtant le digne héritier d’Errol Flynn, Tyrone Power. En apparence, Pedro a tout du héros romantique comme Hollywood les aime : une belle famille, un grand cœur, une propension à défendre la pauvre et l’opprimé contre les exactions de ses semblables. Un destin contrarié, aussi : accusé à tort d’hérésie, la famille de Pedro est arrêtée par l’Inquisition, et sa petite sœur est tuée, avant que le bon Juan Garcia (Lee J. Cobb, qu’on n’a pas l’habitude de voir dans un tel emploi, mais qui se révèle excellent) ne les aide à prendre la fuite. Et voilà Pedro, Juan, et la belle serveuse Catana (Jean Peters, révélée par le film) partis pour le Nouveau Monde… Tout pour être le parfait héros sans peur et sans reproche, donc. Et bien sûr, plus Cortez (Cesar Romero est génial dans ce rôle charismatique et ambigu) révèle sa part sombre, plus on est sûr que la révolte du bon Pedro de Vargas est proche. Sauf que cette révolte n’arrive jamais.

On sent bien que Pedro a quelques doutes sur le bien-fondé de cette expédition, mais ces doutes ne l’empêchent pas de dormir, pas plus que le sort des indigènes. Fidèle envers et contre tout à sa hiérarchie, il n’en demeure pas moins un héros charismatique et attachant. Cette ambivalence instille un léger malaise qui ne fait que renforcer la puissance de ce film riche, complexe et passionnant.

Straight Shooting / Le Ranch Diavolo (Straight Shooting) – de John Ford (Jack Ford) – 1917

Posté : 12 janvier, 2011 @ 1:56 dans 1895-1919, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Straight Shooting

Deuxième long métrage de Ford, Straight Shooting est aussi le tout premier de ses films à nous être parvenus, et l’un des rares rescapés de sa production des premières années. Ford n’a que 22 ans, mais ce qui fera la richesse de son œuvre est déjà là, en germes. C’est même fascinant de voir à quel point Ford est resté fidèle jusqu’au bout à des obsessions que l’on trouve déjà dans ses premiers films.

Des amitiés viriles et alcoolisées, des familles recomposées par les hasards de la vie, le goût des grands espaces… On retrouve même une scène (capitale) sur la tombe d’un être cher, thème redondant dans l’œuvre de Ford (Judge Priest, Vers sa destinée, La Poursuite infernale… les exemples sont innombrables) : c’est même là que le sort de Cheyenne Harry se scelle au début du film.

Le futur du héros se décide plus tard, lorsque le calme est revenu dans la ferme où il a été accueilli à bras ouvert, et où, dans l’embrasure d’une porte, il réalise que sa place n’est plus là… Un plan qui évoque furieusement l’un des plus célèbres de la filmographie de Ford : le dernier de La Prisonnière du Désert. Straight Shooting contient d’ailleurs plusieurs plans très beaux filmés de l’intérieur de maison, avec en fond des portes ouvertes par lesquelles on voit, de loin, arriver des personnages.

On est en 1917, et Ford joue brillamment avec les profondeurs de champs (dès le premier plan), sur le montage alterné, sur les gros plans. C’est déjà un vrai cinéaste, qui signe un film qui, à défaut d’être un chef d’œuvre, est une œuvre passionnante, avec quelques séquences impressionnantes, en particulier le duel autour de la prison, d’une simplicité et d’une efficacité totales.

C’est aussi, bien sûr, l’exemple le plus ancien que l’on puisse voir de la riche collaboration entre Ford et Harry Carey, l’interprète de la très longue série des « Cheyenne Harry », dont Ford venait de reprendre la direction : il avait déjà dirigé deux courts et un long de la série (The Secret Man, aujourd’hui perdu), et dirigera encore, jusqu’en 1921, pas moins de vingt-et-un longs métrages avec Harry Carey, dont quatorze « Cheyenne Harry ». De cette production foisonnante, seuls trois films ont survécu : Straight Shooting, Hell Bent, et Bucking Broadway, qui n’a été découvert qu’au début des années 2000. C’est dire l’ampleur de la perte…

Docteur Mabuse, le joueur (Dr. Mabuse der Spieler) – de Fritz Lang – 1922

Posté : 12 janvier, 2011 @ 1:42 dans * Films de gangsters, * Polars européens, 1920-1929, FILMS MUETS, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Docteur Mabuse le joueur

Il y a un petit côté Feuillade, période Les Vampires ou Fantômas, dans ce film fleuve de plus de quatre heures et demi. Ben oui, c’est long, mais arrivé à la fin, on en redemande. Bourré de rebondissements comme dans tout bon serial, découpé en chapitres, Docteur Mabuse est un vrai feuilleton populaire, mais aussi un film d’une richesse et d’une beauté formelle immenses.

Le fameux docteur Mabuse est une figure typique du cinéma langien : une pure incarnation du Mal, qui ne s’intègre dans la société que pour mieux en détourner les règles à son propre profit. Dans ce domaine, Mabuse est un maître. Et Lang a une inspiration totale pour mettre en images ses machinations. Le film commence très fort, avec une énorme arnaque à la Bourse que Lang, par la grâce d’images sublimes et d’un montage virtuose, parvient à rendre aussi passionnante et fluide qu’une simple poursuite.

C’est une entrée en matière géniale, qui laisse penser que le film sera une succession d’arnaques sans rapport les unes avec les autres. Mais ce n’est pas le cas. Après ce prologue flamboyant, qui a pour objectif de présenter son génie du crime et la manière dont il s’inscrit dans son époque (le début de la république de Weimar), Lang lance vraiment son histoire, faite de multiples intrigues dont il tire un à un chacun des fils.

Feuilletonnant et rocambolesque, Docteur Mabuse est aussi passionnant parce qu’il plonge au cœur du Berlin de l’entre-deux guerres, que Lang filme avec toute la beauté de son style expressionniste. L’histoire est parfois un peu énorme, et franchement, on a un peu de mal à croire en cette vision très cartoonesque de l’hypnose, mais qu’importe, on prend un plaisir fou à suivre les machinations diaboliques du Docteur, et l’enquête du « super flic » Von Wenk.

Qu’importe aussi le charme très discutable des deux personnages féminins principaux (la comtesse Told et la danseuse Carozza), Lang réunit un casting masculin parfait et inoubliable. Dans le rôle de Mabuse, Rudolf Klein-Rogge (qui retrouvera son rôle pour la suite onze ans plus tard), acteur fétiche de Lang jusqu’à son départ d’Allemagne en 1933, a un charisme fou et vampe littéralement la caméra. Face à lui, Bernhard Goetzke est parfait, tout en sobriété, en super flic.

Les seconds rôles sont également frappants, en particulier Alfred Abel (qu’on avait vu dans Les Finances du Grand-Duc de Murnau), génial en victime désigné : le comte Told, que Mabuse hypnotise et oblige à tricher aux cartes, détruisant ainsi sa réputation, et le poussant à une déchéance totale et au suicide, pour « voler » sa femme.

Le film est parfois cruel, souvent palpitant (le suspense fonctionne parfaitement), et toujours passionnant. En quatre heures et demi, Lang réussit à garder le cap et la tension, sans le moindre flottement.

La cinquième colonne (Saboteur) – de Alfred Hitchcock – 1942

Posté : 12 janvier, 2011 @ 10:15 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

La cinquième colonne

Le faux coupable qui traverse tout un pays pour tenter de prouver son innocence, dans un mélange de suspense, d’aventures, de romance et de comédie… Ce cocktail a représenté une sorte de fantasme pour Hitchcock, qui y est revenu à plusieurs reprises dans sa carrière, à partir des 39 marches, et jusqu’à La Mort aux trousses, chef d’œuvre ultime, film-somme de toute la carrière du grand Hitch. Entre-temps, il y a eu ce Saboteur, qui peut être vu comme une matrice de ce que sera La Mort aux trousses, plus de quinze ans plus tard : on y retrouve de nombreuses correspondances, jusqu’au face-à-face final, qui se déroule dans les deux cas sur un monument historique américain (le mont Rushmore dans La Mort… ; la Statue de la Liberté ici).

Ce qui caractérise le plus ce film par rapport aux autres cités, c’est le contexte dans lequel il se tourne : récemment installé aux States (où il a déjà tourné quelques films depuis Rebecca), Saboteur est le premier tourné par Hitchcock avec un casting totalement américain. C’est surtout un film dont le tournage a commencé dix jours seulement après Pearl Harbor. Autant dire qu’avec un sujet pareil, il était difficile de ne pas signer un film engagé. Hitch participe donc à l’effort patriotique, avec ce film qui affirme que le Mal s’est intégré dans la société américaine (la fameuse 5ème colonne, qui doit détruire l’Amérique de l’intérieur), mais qui clame aussi haut et fort la bonté fondamentale du peuple américain, lorsqu’il n’est pas aveuglé par des idées néfastes ou nauséeuses.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le premier soutient que trouve Barry Kane, ouvrier de l’aéronaval accusé de sabotage au profit du Reich, dans sa fuite est un vieux sage aveugle, vivant en reclus dans une maison digne du temps des pionniers de l’Ouest. Plus tard, c’est auprès d’une bande de « freaks » errants qu’il trouvera un refuge éphémère. Autant de personnalités « en marge », en dehors des moules, qui soulignent l’aspect corrosif que Hitchcock parvient à instiller à son film : les valeurs américaines, oui, cent fois oui, mais appréhendées de manière individuelle. Chez Hitchcock, la collectivité rend rarement large d’esprit. La preuve avec cette scène de bal où Kane et son amie, Patricia Martin, se heurtent au mépris et à l’indifférence.

Enlevé et distrayant, le film est aussi sombre et brutal. Avec son air de ne pas y toucher, Hitchcock n’édulcore en rien son propos. Pour preuve, la séquence terrible de fusillade entre Fry (Norman Lloyd, méchant sadique et réjouissant) et la police dans le cinéma qui diffuse une comédie, un grand moment où la réalité et l’action sur l’écran finissent par interagir, jusqu’à un dénouement tragique (un spectateur en est victime). Pour preuve aussi, le sourire du même Fry lorsqu’il voit le bateau couché sur le flan après l’attentat réussi (il s’agit en fait d’images d’actualité montrant le SS Normandie, qui venait de subir un incendie suspect).

Les Oiseaux (The Birds) – d’Alfred Hitchcock – 1963

Posté : 12 janvier, 2011 @ 9:52 dans 1960-1969, FANTASTIQUE/SF, HITCHCOCK Alfred | 1 commentaire »

Les Oiseaux

S’il y a un truc qu’on ne peut pas reprocher à Hitchcock, c’est de céder à la facilité, ou de se reposer sur ses lauriers. Après avoir traversé les Etats-Unis en technicolor dans La Mort aux trousses (un de ses plus grands chef d’œuvre), il a signé un thriller à petit budget et en noir et blanc avec Psychose (encore un grand film). Comment rebondir après ça ? Hitch change totalement de registre, avec ce qui sera son unique film pouvant être qualifié de « fantastique ». Et c’est, encore une fois, un immense film, qui fonctionne aussi bien dans les moments de terreur (vraiment terrifiants) que dans les passages plus intimes, passionnants.

Il faut quelques secondes à peine pour que l’atmosphère du film soit créée : une sorte de quiétude menacée, que symbolise joliment le minois souriant et mystérieux de ‘Tippi’ Hedren, en riche oisive peut-être pas si immature qu’elle le laisse croire. Dès la séquence de l’oisellerie, à San Francisco, la magie opère. La fluidité du rythme, la beauté des images, ça coule d’une manière fascinante, et on arrive dans un bien-être immense à Bodega Bay, ce petit port de pêche où l’on se sent si bien, paradis terrestre si proche, et pourtant si loin de la ruche de la grande ville. John Carpenter rendra d’ailleurs hommage au film en tournant son Fog dans les mêmes décors (et avec une héroïne hitchcockienne, la Janet Leigh de Psychose).

L’attaque soudaine de la mouette, au cœur de la baie, apparaît alors comme un subit coup de griffe sur un paysage sans ombre. Et les agressions qui suivront, de plus en plus violentes et impressionnantes, peuvent être vues comme une volonté des oiseaux de reprendre possession de ces lieux qui étaient à eux avant l’arrivée des humains. Le dernier plan, hallucinant, scellera leur victoire : après une série d’attaques sanglantes, ils seront des milliers à regarder les derniers humains quitter Bodega Bay.

Le film est parsemé de moments inoubliables, à l’image de ce dernier plan. Par exemple le passage où ‘Tippi’ Hedren attend la petite sœur de Rod Taylor (la petite Veronica Cartwright, qui s’en sortira tout aussi traumatisée, mais beaucoup plus morte, du film de Ridley Scott Alien) à la sortie de l’école, par exemple : le montage alterne les plans sur le visage de l’actrice, et d’autres sur une aire de jeux sur laquelle s’amassent un nombre de plus en plus important d’oiseaux. Ou les attaques terrifiantes sur des groupes d’enfants. Ou la découverte de la première victime, visage énucléé à peine entraperçu, mais inoubliable. Ou encore ce fameux plan aérien qui montre Bodega Bay rayé par une traîné de feu après l’explosion de la station service, alors que des mouettes semblent s’amuser du spectacle.

Comme toujours, Hitchcock accorde une attention folle aux plus petits des seconds rôles : le moindre d’entre eux prend une vraie dimension à l’écran.

Autre fait unique dans la carrière d’Hitchcock : c’est son seul film dans lequel ne figure pas la moindre note de musique. Après Psychose, c’est une manière pour Hitchcock de répondre à ceux (dont Bernard Herrmann lui-même) qui estimait que la scène de la douche devait tout à la musique. Ici, même si Herrmann a participé aux effets sonores, les images et le montage suffisent largement à provoquer l’effroi. Sans discussion possible.

Merlin l’enchanteur (The Sword in the stone) – de Wolfgang Reitherman – 1963

Posté : 12 janvier, 2011 @ 9:41 dans 1960-1969, DESSINS ANIMÉS, DISNEY Walt, REITHERMAN Wolfgang | Pas de commentaires »

Merlin l'enchanteur

C’est le dernier long métrage d’animation que le père Disney verra terminé (il mourra en 1966, avant l’achèvement du Livre de la jungle), et c’est un film d’une étonnante simplicité, qui renoue avec le charme et la modestie de Dumbo, sorti plus de vingt ans plus tôt, après une série de « grands dessins animés » flamboyants et plus spectaculaire.

Ce qui frappe le plus dans ce Merlin, c’est l’absence d’un grand méchant. Face à lui, le petit Arthur ne trouve guère qu’un beau-frère plus bête que méchant, un loup plus maladroit qu’effrayant, et une sorcière curieusement sympathique. Bref, c’est un long métrage bon enfant, sans grand suspense, si enjeu. D’ailleurs, Excalibur, la fameuse « épée dans la pierre » du titre originale, est pour le moins abordée avec légèreté : la séquence au cours de laquelle Arthur retire l’épée de son socle est traitée par-dessus la jambe, comme un passage obligé qui n’intéresse pas vraiment les auteurs du film.

Ce qui les intéressent plutôt, ce sont les possibilités offertes par la magie de Merlin : Arthur transformé en poisson, Arthur en écureuil, Arthur en oiseau… Le film est conçu comme une succession de passages qui pourraient presque être indépendants les uns des autres. C’est ce qui donne un certain charme au film, mais c’est aussi ce qui fait sa limite, et en fait un « mal aimé » parmi tous les longs métrages produits par tonton Walt.

Il y a aussi dans Merlin une faute de goût comme on en a rarement vu dans l’œuvre de Disney : l’enchanteur, fatigué du manque de confiance en soi du jeune Arthur, décide de partir pour Saint Trop, et revient en bermuda et chemise à fleurs… Mouais…

Les Aventures de Robin des Bois (The Adventures of Robin Hood) – de Michael Curtiz et William Keighley – 1938

Posté : 11 janvier, 2011 @ 6:01 dans 1930-1939, CURTIZ Michael, KEIGHLEY William | Pas de commentaires »

Les Aventures de Robin des Bois

Mais comment diable Curtiz et Keighley ont-ils pu rendre ce film à ce point indémodable ? Parce que, quand même, c’est pas possible de porter des collants aussi moulants, et aussi verts que ça… même pour Robin des Bois. Les costumes, les décors en carton-pâte… Y’a pas moyen, on ne peut pas y croire. Et pourtant, il faut bien reconnaître : presque trois quarts de siècles après sa sortie, cette version de la légende reste la meilleure, la plus passionnante, la plus enthousiasmante, celle qui possède le charme le plus éclatant. Et je serais bien incapable d’expliquer pourquoi…

C’est un pur produit de studio : la Warner a convoqué ses stars maison, avec Curtiz derrière la caméra (difficile de dire ce qu’on doit à Curtiz et ce qu’on doit à Keighley, mais vu le niveau de leurs filmographies respectives, on se dit que le rôle du premier a été prépondérant), et Errol Flynn devant, déjà une immense star grâce à des succès comme Capitaine Blood et La Charge de la bigade légère, deux films signés Curtiz). Ajoutez à ça des seconds rôles d’anthologie : Claude Rains en prince Jean, Olivia de Havilland en Lady Marian, Eugene Palette en frère Tuck, Patrick Knowles en Will Scarlett, et surtout Basil Rathbone en Guy de Gisbourne. Et vous obtiendrez une production hollywood indémodable, comme on les aime.

Il y a bien sûr cette petite touche de magie en plus, ce souffle que Curtiz a su insuffler à tous ses meilleurs films, grâce à une mise en scène soignée et dynamique, mais aussi à l’attention apportée au plus petit des seconds rôles : aucun personnage ne vient affaiblir le rythme du film, qui file comme une flèche en vol.

Flynn, plus athlétique et sautillant que jamais, porte le film vers le haut. On le sent capable de se tirer de toutes les situations, de gravir le mur le plus lisse, de sauter du haut d’un château. Un vrai héros, quoi… Mais un héros dont le sourire éclatant et l’apparente insouciance s’accompagnent parfois d’une colère mal dissimulée, qui rappelle que Flynn n’est pas seulement une star bondissante, c’est aussi un sacré bon acteur.

Et Curtiz est un excellent réalisateur. On lui a parfois reproché de signer des réalisations plan-plan, sans grande recherche formelle. C’est un peu trop vite oublier le duel final entre Robin et Gisboune, l’un des plus beaux de la riche histoire du cinéma d’aventures, qui ne rougit pas de la comparaison avec celui de Scaramouche. Curtiz utilise à merveille son gigantesque décor, alternant plans serrés et plans très larges, les grandes salles vides et les escaliers circulaires, faisant soudain sortir ses duellistes du cadre alors que le combat nous reste visible grâce à un jeu d’ombre somptueux. C’est du grand art, et c’est du grand spectacle.

Fenêtre sur cour (Rear Window) – d’Alfred Hitchcock – 1954

Posté : 11 janvier, 2011 @ 5:49 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, HITCHCOCK Alfred, STEWART James | Pas de commentaires »

Fenêtre sur cour

Qu’est ce qu’il y a de si exceptionnel dans le cinéma d’Hitchcock ? Réponse : absolument tout, et ce Rear Window en est l’une des preuves les plus éclatantes. Qu’on soit bien clair : le film est un pur exercice de style, les ficelles sont grosses comme une corde à nœuds, et toutes les intentions du maître sont dissécables à l’envie (ce n’est pas pour rien que les films d’Hitchcock sont parmi les plus étudiés en école de cinéma : tout y est explicable, compréhensible, clair)… Bref, de n’importe quel autre cinéaste, on se dirait que tout est trop voyant, tiré par les cheveux, réfléchi, qu’il manque la magie du moment, l’impromptu, le délire. Sauf que chez Hitchcock, il ne manque rien. Sa maîtrise totale de la mise en scène ne réduit par la portée de son œuvre, bien au contraire : elle en constitue l’essence même. Et Hitchcock a ce petit plus qui manque à la plupart des réalisateurs, et qu’un esprit scientifique pourrait qualifier ainsi : la « magic touch ».

Ici, ce doigté magique fonctionne à plein. Hitch est dans sa période la plus créatrice, et Rear Window est l’un des sommets de sa filmographie (qui en compte tellement…). Pourtant, il ne choisit pas la facilité en enfermant strictement sa caméra dans une pièce assez étroite, d’où elle ne sortira jamais, pas plus que le personnage principal, L.B. Jeffries, un photographe cloué sur une chaise roulante après un accident, et condamné à observer à la dérobée la vie de ses voisins par la fenêtre, alors que la canicule exacerbe les sentiments de chacun.

Dès le générique de début, qui se déroule sur les stores de l’appartement qui se lèvent comme le rideau sur l’écran d’un cinéma, Hitchcock annonce son intention : son thriller est une mise en abîme du cinéma lui-même, qui fait du personnage principal un spectateur (voyeur) comme les autres. Malin : en plaçant son héros dans la même situation que le spectateur lambda, y compris au moment le plus tendu, Hitchcock renforce de manière étourdissante le suspense qui plane sur le film.

Hitchcock ne s’évite aucun écueil, mais ne commet pas la moindre faute de goût, pas la plus petite baisse de tension. A son personnage de photographe aventurier (James Stewart, qui est de chaque scène, est génial), il associe une gravure de mode (Grace Kelly, à se damner, et particulièrement touchante) ? On flirte avec les lieux-communs, mais Hitchcock transcende cette relation impossible, en faisant de la future princesse une quasi-victime du fossé social qui les oppose. Il faut voir la beauté de chacun des plans qui réunit les deux stars : tous semblent sortir d’un tableau d’un grand maître de la Renaissance…

On pourrait disséquer longuement chaque détail du film : la présentation du personnage de James Stewart grâce à un plan montrant quelques objets personnels ; les toilettes sublimes de Grace Kelly ; l’apparition prémonitoire d’Alfred (en réparateur d’horloge, dans le dernier plan des appartements voisins avant le fameux crime supposé)… On peut aussi souligner à quel point Hitchcock parvient à donner de l’épaisseur aux voisins, qu’on ne voit pourtant que de loin, à la dérobée, sans entendre ce qu’ils disent. Madame « cœur brisée », solitude déchirante sauvée de la mort par la musique, est franchement émouvante, comme le cri de cette femme qui, après la mort de son chien, reproche à tous ses voisins de vivre dans l’indifférence la plus totale.

Cela faisait pas mal de mois que je ne m’étais pas plongé dans l’univers d’Hitchcock, et Fenêtre sur cour constitue une bien belle porte d’entrée.

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