L’Enfer est à lui (White heat) – de Raoul Walsh – 1949
Made it ma ! Top of the world !
« Made it, ma ! Top of the world ! » lance un James Cagney halluciné, définitivement tombé dans la folie la plus (auto)destructrice, les flammes de l’enfer se déchaînant autour de lui. Cette image inoubliable est entrée dans l’histoire comme l’une des plus fameuses de l’histoire des films de gangsters. Une image comme sortie de l’esprit torturé de Cody, peut-être le plus terrible de tous les personnages de Cagney (et il en a interprété quelques-uns, des sales types !), mais paradoxalement incapable de couper le cordon avec sa mère, possessive et acariâtre : Ma Dalton, à côté, c’est mamie Tartine…
White Heat, chef d’œuvre absolu de plus à mettre au crédit de Walsh, est à l’image de ce personnage si complexe : à la fois brut et brutal, et d’une profondeur inattendue. Ne comptez pas sur moi pour me lancer dans une psychanalyse sur les rapports entre Cagney et sa mère de cinéma, Margaret Wycherly. Mais cette union diabolique fait froid dans le dos : dérangeant de voir cette boule de fureur qui peut donner la mort sans une hésitation, débordant d’un amour exclusif pour sa mère. Lorsque ce cordon est finalement coupé donne lieu à l’une des scènes les plus puissantes du film : en prison, dans un silence quasi monacal, une chaîne humaine apporte la nouvelle de la mort de sa mère à Cody, qui l’accueille dans une explosion de douleur qui fait froid dans le dos.
La grande force du film, c’est d’allier une narration d’une fluidité et d’une efficacité absolues, avec ce personnage hors du monde, pour qui tout ce qui se trouve en dehors de cette bulle minuscule qu’il forme avec sa mère, peut bien disparaître dans les flammes de l’enfer. Ce dingue absolu est pourtant marié avec Virginia Mayo. Et même si elle est prête à toutes les duplicités, elle est quand même rudement belle, Virginia…
Cody est un personnage hors du monde, mais c’est aussi un personnage hors du temps, totalement fermé aux évolutions de la société, et même de la police, qu’il considère comme des ploucs qui ne représentent pas la moindre menace. Malin, Walsh joue avec le long passé de gangster de Cagney (y compris sous sa propre direction dans Les Fantastiques années 20, dix ans plus tôt) : lui n’a guère changé, dans ses méthodes. Mais le monde a avancé, sans lui.
C’est un autre thème du film, inhabituel dans les films de gangsters : l’affrontement entre la tradition (celle du gangster né pendant la Prohibition) et la modernité. Walsh s’est visiblement passionné pour ce sujet, qu’il traite admirablement bien, sans jamais en rajouter, et sans que cela tombe dans la surenchère de gadgets. Cette police que Cagney et Mayo considèrent comme des ploucs est non seulement capable de se montrer plus maligne (avec l’excellent Edmond O’Brien, flic infiltré), mais elle utilise aussi des méthodes révolutionnaires pour l’époque : filatures à trois voitures, utilisation du radar, sans oublier les empreintes digitales dont l’utilisation a bien progressé… Sans s’en rendre compte, Cody Jarrett est un dinosaure, dont la disparition est inéluctable.
C’est d’ailleurs le dernier grand rôle de gangster de Cagney, qui effectuait là un retour très remarqué après quelques années de purgatoire. C’est aussi sans doute son rôle le plus marquant. Cagney est grand, et Walsh est immense.
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