Insomnia (id.) – de Christopher Nolan – 2002
« Dormir », semble susurrer Al Pacino en décrochant le téléphone. A vrai dire, c’est son nom (Dormer) qu’il annonce, mais toute l’atmosphère de ce thriller génial est résumée dans ce simple mot. Dormer, donc, est un grand flic new yorkais qu’on envoie enquêter sur le meurtre d’une jeune étudiante, dans une bourgade paumée d’Alaska, à une époque où la nuit ne tombe jamais. Une « petite » enquête qui lui permet d’échapper pour un temps à l’enquête interne dont il est l’objet.
Nolan fait très fort avec ce film de genre qui succède à Memento, parce qu’il ne tombe jamais dans le piège pourtant très tentant de la surenchère. Le face-à-face entre le superflic et le tueur tient toutes ses promesses, mais le tueur en question n’est pas un génie du crime à la Seven : c’est un pauvre type auquel Robin Williams apporte une belle profondeur, une fêlure presque touchante.
Le vrai sujet du film, ce n’est évidemment pas l’enquête, mais le tourbillon personnel dans lequel se retrouve Dormer/Pacino. Et Nolan a un talent fou pour embarquer le spectateur dans ce tourbillon mental, au cœur des tourments professionnels de Dormer, qu’aggrave son incapacité à trouver le sommeil dans cette terre où il ne fait jamais nuit. Cela donne quelques très grands moments de cinéma : en choisissant la simplicité (contrairement à Inception), Nolan ne signe pas seulement son meilleur film, il réussit à créer une atmosphère qu’il tient de bout en bout.
On ne voit pas le film, on le vit, comme si on était dans la tête de Dormer, comme si le manque de sommeil nous touchait aussi. D’où le trouble immense lorsque Dormer tue son équipier, qui s’apprêtait à le balancer : est-ce un accident, ou un acte délibéré ? Nolan laisse planer le doute jusqu’au bout.
Pacino est exceptionnel, bien sûr. Sa prestation, dans Insomnia, est sans doute sa meilleure depuis L’Impasse. Le regard hagard, les épaules voûtées, ce « grand flic » révèle ses fêlures, son humanité, et rappelle que, malgré des choix un peu douteux ces dernières années, Pacino est l’un des plus grands qui soit…
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