Le Parrain (The Godfather) – de Francis Ford Coppola – 1972
Tout a été dit sur ce chef d’œuvre absolu signé par un jeune réalisateur de 33 ans, et ce n’est pas un petit bloggeur du dimanche qui va dire quoi que ce soit de nouveau. C’est tout simplement une merveille, une immense fresque familiale passionnante et déchirante, le film ultime sur la mafia, qui est aussi la plus belle des tragédies modernes.
Brando est splendide et obtient l’Oscar (qu’il ne viendra pas chercher, d’ailleurs), mais c’est bien Pacino qui est le personnage central du film : c’est son histoire, son destin, que ces trois heures de pur cinéma nous racontent. Le sujet du Parrain, c’est la manière dont son destin rattrape Michael Corleone, le fils prodige, celui en qui Don Vito le patriarche place tous ses espoirs, celui qui doit sortir la famille Corleone du crime et de l’illégalité…
« C’est ma famille, Kay, ce n’est pas moi », dit-il à sa jeune fiancée (Diane Keaton, témoin passif et bouleversante de ce destin en mouvement), après lui avoir raconté comment son père a fait, un jour, « une offre qu’il ne pouvait pas refuser ». Calme et posé, Michael est le parfait contraire de Sonny (James Caan, explosif), son bouillant aîné. Mais au fond, les deux frères partagent le même sens de la famille et de l’honneur, pour lequel ils sont prêts à tout sacrifier. Michael avec moins d’exubérance, mais avec peut-être encore plus de détermination.
Lorsque leur père se fait descendre, c’est lui qui prend les choses en main. C’est là, à l’hôpital, alors qu’il assure la sécurité de son père allité, qu’il prend conscience de sa véritable nature. Sans grand discours, ni grands effets : Coppola se contente d’un regard de Pacino sur sa main, qui tient un briquet sans le moindre tremblement, alors qu’il vient de risquer sa vie. C’est sur ce simple regard, sur cette main ferme, que l’on comprend que Michael ne se voilera plus la face, qu’il assumera son destin. Il le fait d’ailleurs très vite : c’est lui, et personne d’autre, qui décide de verser le sang. Et c’est lui qui se chargera de le faire, lors d’une séquence inoubliable.
On ne dira jamais à quel point le regard de Pacino est important dans ce film. Ce n’est que son troisième film, mais il est déjà l’un des plus grands acteurs du monde, avec une conscience parfaite du pouvoir de la caméra, et d’un simple regard. Dans cette séquence du restaurant, son regard perdu avant de faire feu en dit plus long que tous les discours du monde, sur la vraie personnalité de Michael, sur son passé dont on ne connaît pas grand-chose, et même sur son avenir.
Michael Corleone est un personnage exceptionnel, mais il n’est pas le seul. Grand cinéaste, Coppola est aussi un très très grand directeur d’acteur : pas la moindre fausse note dans son immense distribution, pas le moindre rôle en-deça. Que ce soit de jeunes acteurs (notamment les deux autres membres de la fratrie : John Cazale, splendide raté, alia Shire, jeune épouse malheureuse très loin de la Adrienne de Rocky, et Robert Duvall, demi-frère en retrait mais étrangement émouvant) ou de vieilles gloires (Richard Conte, et surtout Sterling Hayden, génial en vieux flic aussi pourri que fatigué), tous les acteurs sont formidables. Ce sera d’ailleurs une constante dans cette trilogie sublimes (oui, même Sofia Coppola, est très bien, mais on en reparlera dans une autre chronique).
Et puis il y a la musique, bien sûr, l’une des plus belles de l’histoire du cinéma : le thème principal, et celui de Sicile, sont absolument inoubliables. Ta na na na, na na na na, na na… Oui, ça rend moins bien sans le son.
On ne va pas non plus revenir sur le plan d’ouverture, à tomber par terre ; sur les kleenex dont Brando se garnissait la bouche ; sur le retour à Corleone ; sur la recette des boulettes de viande ; sur le mensonge final de Michael ; sur la série de meurtres pendant le baptême ; sur la mort de Sonny ; sur le pathétique filleul de Vito ; sur ‘‘ma femme pleure là-haut, j’entends des voitures arriver… Consigliere, dis à ton Don ce que tout le monde sait’’ ; sur la tête de cheval ; sur la mort d’Appolonia…
Le Parrain est l’un des plus beaux films du monde. Et dire que Coppola fera aussi bien avec ses deux suites (ici et ici)…
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