Yoyo – de Pierre Etaix – 1964
Léger changement de ton pour Pierre Etaix, qui signe sans doute son film le plus personnel. Après Le Soupirant, c’est le deuxième long métrage du cinéaste, et curieusement le plus mélancolique, et le moins ouvertement drôle de ses films. C’est pourtant la passion d’Etaix pour les clowns (il en était lui-même un) qui est à l’origine de Yoyo. Le film raconte l’histoire d’un jeune clown qui a grandi dans le cirque, et qui devient, devenu adulte, l’un des clowns les plus populaires du monde. Il se sert de son succès pour racheter le château dans lequel vivait son richissime père avant de faire faillite en 1929, rêvant d’une vie fortunée alors même que son père a trouvé, dans le cirque, le bonheur que son argent ne lui avait jamais offert.
Ce sentiment de faire fausse piste est illustré d’une manière bouleversante dans une scène presque irréelle : alors qu’il fête sa réussite en organisant un réception très guindée dans son château, Yoyo voit ses parents, et la jeune artiste qu’il aime mais qu’il n’a jamais pris le temps de conquérir, arriver dans une roulotte de cirque. Dans cette scène, on ne voit jamais les parents, ni ne les entend. On ne voit que Yoyo dépité devant leur refus de prendre part à la fête… Cette scène étrange ouvre les yeux du clown devenu homme d’affaires, et qu’on verra enfourcher un éléphant, et s’enfoncer dans l’étang du château. Vers la liberté ?
Hommage mélancolique à un art qui appartient déjà au passé, Yoyo est aussi un vibrant hommage au cinéma que Pierre Etaix aime passionnément : celui de Keaton, et surtout de Chaplin. Alors que Le Soupirant évoquait la figure de Buster Keaton, Yoyo se situe d’avantage dans le sillon creusé par Chaplin, ce qui est surtout perceptible dans la première partie du film, qui se déroule entre 1925 et 1929. Depuis son premier court métrage (Rupture), Pierre Etaix s’inscrit dans la tradition du cinéma muet. Mais pour cette première partie de Yoyo, il va au bout de sa démarche, en faisant réellement du muet, avec cartons et bruitages. Et un personnage « bigger than life » qui aurait pu être interprété par Chaplin lui-même.
L’arrivée du parlant, qui correspond avec le krach boursier, donne le coup d’envoi du « vrai » film. L’un des hommages les plus sincères à l’art du cirque que le cinéma nous ait donné depuis… Le Cirque, de Chaplin.
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