Mariage – de Claude Lelouch – 1974
Mariage est sans doute le plus cynique des films de Lelouch. La première séquence, pourtant, laisse penser qu’on va assister à une comédie légère et gentillette : un jeune couple sur le point de se marier visite une maison mise en vente face aux plages de Normandie. Nous sommes en juin 1944, et c’est sous le balcon-même du jeune couple que les Alliés s’apprêtent à débarquer… Cette première séquence est d’une fluidité étonnante, la caméra de Lelouch adoptant un mouvement incessant qui donne un bel élan et une vraie sensation de jeunesse à ce couple qui ne prononce que quelques mots timides…
Ce couple, improbable, mais mignon tout plein, c’est Bulle Ogier, jolie et craquante comme jamais, et Rufus, dont il nous faut quelques minutes seulement pour comprendre qu’il joue un pauvre type lâche et égoïste. Lorsque sa jeune femme lui rappelle qu’il lui a promis que, dès la fin de la guerre, ils iront s’installer à Paris, on sent bien qu’ils passeront leur vie dans cette petite ville de bord de mer, et que le Rufus se réfugie derrière les « on verra après la guerre » pour ne surtout pas faire quoi que ce soit…
On s’attend à trouver un homme lâche et égoïste… Eh bien on est surpris : les séquences suivantes sont bien pires ! L’ambition de Lelouch, pour Mariage, est de résumer une vie de couple à quatre dates : le jour de leur mariage (juin 1944), leur dixième anniversaire de mariage (juin 1954), puis leur vingtième (juin 1964) et leur trentième (juin 1974)… Mais il ne faut pas trente ans pour que le couple s’étiole : dès 1954, c’est une guerre ouverte qui se déclare entre les deux amants d’hier : elle se rattachant à des petits riens ; lui traitant sa femme (et son fils) avec une cruauté qui n’a pas de nom. Les coups ne pleuvent pas, mais les mots, eux, sont d’une férocité rare.
Bulle Ogier reproche à Rufus d’être devenu un Français moyen sans relief. Elle a tort : c’est un salaud intégral, borné et méchant, qui plus est sans la moindre once de courage. En 64, on découvre que leur fils est homosexuel, et qu’il reçoit son amant en secret, la nuit. On voit alors Rufus se lever, et aller chercher un couteau de cuisine. On se dit que ce beauf odieux va planter soit son fils, soit l’amant de celui-ci… Mais non : il se contente de crever les pneus de leur moto, et s’en retourne se coucher comme si de rien n’était… Un lâche absolu.
Mariage est un film assez fascinant (tourné dans un beau sépia, exception faite de la dernière séquence), mais aussi très dérangeant : la violence verbale de Rufus distille un malaise qui ne s’éteint pas, malgré le semblant d’optimisme de la dernière réplique, purement lelouchienne (« Les plus belles années d’une vie sont celles qu’on n’a pas encore vécues »). Est-ce une comédie un peu burlesque, ou Lelouch est-il profondément allergique au mariage ? Le doute persiste, même si le réalisateur donne une image ahurissante de la vie en couple, qui donne froid dans le dos.
Cynique aussi, la manière dont Lelouch filme les cérémonies commémoratives du débarquement, comme une séquence qui se répète inlassablement au fil du temps, sans émotion, sans originalité, et sans une once de franchise. Elle est laide, cette France-là…
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merci bien pour le commentaire – je vien de voir le film et je suis totalement d’accord avec l’auteur. ce qui m’etonne c’est la maniere dont le film est fait – comme si on l’a fait il y a une disaine d’annees, pas plus.