Mission : Impossible (id.) – de Brian De Palma – 1996
Brian De Palma est un formaliste exceptionnel, et son style atteint une sorte de perfection dans cette grosse machine de studio, commande formatée qu’il transcende littéralement pour en faire un film d’une intelligence et d’une élégance absolues.
Le scénario de Robert Towne et David Koepp est déjà foncièrement gonflé ; il sera d’ailleurs renié par les fans de la série originale (tu m’étonnes que Peter Graves a refusé de reprendre son rôle de Jim Phelps, finalement joué par Jon Voight dans le film de De Palma). Mais les choix de mise en scène du cinéaste le sont tout autant : jusqu’à la fameuse séquence de l’Eurotunnel (pied de nez incroyable aux exigences des studios en matière de grosses productions : ah vous voulez de l’action, ben j’m'en va vous en donner, moi…), le film s’avère étonnamment peu spectaculaire pour un film de cette ampleur.
De Palma n’écrit pas ses scénarios mais c’est un véritable auteur. La preuve : même dans un film a priori aussi impersonnel que Mission : Impossible, on retrouve le thème préféré du cinéaste, à savoir le mensonge, la différence qu’il y a entre les images que l’on nous montre et la réalité. Comme dans Snake Eyes, ou dans Blow Out, toute l’intrigue du film repose sur ce thème, inépuisable dans l’œuvre depalmienne.
La plupart des rebondissements de ce film décidément anti-spectaculaire au possible, se déroulent d’ailleurs… dans l’esprit du héros, Ethan Hunt (Tom Cruise), qui recolle petit à petit les événements tels qu’on les lui a montrés et l’incroyable vérité. Ce basculement progressif du mensonge vers la vérité est illustrée d’une manière extraordinaire par la caméra de De Palma, qui se désaxe dans des cadrages insensés, pour donner corps au trouble de Tom Cruise, décidément un acteur formidable.
Ce trouble illustré avec une élégance infinie trouve son apogée dans la dernière scène de Prague (les extérieurs qui y sont tournés sont d’ailleurs d’une grande beauté) : le fameux face-à-face entre Ethan Hunt et son supérieur Kittridge, dans ce restaurant tout de verre, avec cet immense aquarium. Cette séquence où tout bascule est l’une des plus réussies de tout le cinéma de De Palma, ce qui n’est pas peu dire. Tom Cruise, silencieux la plupart du temps, y est d’une intensité remarquable : « Kittridge, you’ve never seen me very upset… »
La suite pourrait être plus convenue (on y retrouve enfin les fameuses missions impossibles chères à la série). Mais De Palma relève le défi sans la moindre faute de goût. Bien sûr, dans ce brillant exercice de style, les acteurs ont la part du pauvre (à part Tom Cruise, autour duquel tourne le film), et se contentent de faire (bien) ce qu’on leur demande : Emmanuelle Béart est belle, Jean Réno est inquiétant, Henry Czerny est trouble, Jon Voight (« Why, Jim ? Why ? ») est… Non, on n’en dira pas trop, des fois qu’y en aurait qu’auraient pas vu le film, encore… auquel cas faudrait vous bouger : M:I va avoir quinze ans.
D’ailleurs, après deux suites radicalement différentes (réalisées par John Woo - ici - et J.J. Abrams - ici -), mais tout aussi enthousiasmantes, le tournage du number four a commencé… à Prague. M:I 4 sera-t-il un retour aux sources pour Ethan Hunt ?
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