Docteur T et les femmes (Dr T and the Women) – de Robert Altman – 2000
C’est un Altman d’un excellent cru que ce Docteur T… Le réalisateur de Short Cuts aime explorer des univers très particuliers dans ses films, que ce soit pour le meilleur (un show radiophonique dans The Last Show, son ultime et plus beau film) ou le pire (la haute couture dans Prêt-à-porter, décidément inregardable). Un cabinet de gynécologie n’était a priori pas le plus cinématographique, ni le plus passionnant des décors… et pourtant, ce film bien plus complexe qu’on ne pouvait l’attendre est l’une des grandes réussites du monsieur.
Pourtant, les premières minutes font peur : dans la salle d’attente du cabinet du docteur T (Richard Gere), clientes et secrétaires piaillent dans un brouhaha assourdissant, dans un long plan séquence comme les aime Altman (presque un passage obligé pour lui !), dont on sort éreinté, vidé, et légèrement agacé. Après cinq minutes de film seulement. Altman aurait-il une dent contre les femmes ? L’image qu’il en donne dès les premières images n’est guère réjouissante pour la gente féminine. Mais rapidement, on comprend clairement que le discours du cinéaste est bien plus nuancé, ce dont on se doutait, connaissant sa filmo pas vraiment marquée par la misogynie. Ce que Altman critique (très violemment) dans ce film, ce sont les conventions et l’hypocrisie constante qui régissent la bourgeoisie américaine. Dans ces belles familles aisées, tout le monde se fiche plus ou moins de l’autre : tant que le sourire est affiché, et ultra bright, tout va bien. Mais ce vernis clinquant cache très mal les fêlures et le mal-être.
La phrase de la fille cadette du gynéco, qui revient comme un gimmick tout au long du film (« ne te fais pas de souci pour moi, papa ») est à la fois hilarante, déconcertante et un peu glauque. Comme l’état d’ébriété constant qu’alimente consciencieusement la belle sœur du doc (Laura Dern, épatante et très loin de Lula !) pour faire passer ce mal-être dont tout le monde se fout. Les nombreuses scènes 100% féminines sont de grands moments de mesquineries, de sourires de façades, et de petites langues de putes… Finalement, la plus humaine dans cette famille insupportable, c’est la femme du docteur (Farraw Fawcett, parfaite), devenue folle d’avoir été trop aimée ! Le docteur T a une belle phrase pour résumer l’hystérie collective des femmes entre elles, évoquant la naissance de jumeaux : « Lorsqu’il y a au moins un garçon, tout se passe bien ; c’est comme si l’ordre de sortie avait été planifié. Lorsque ce sont deux filles, alors là, c’est la lutte pour savoir qui va sortir en premier… »
Dans cette hystérie ambiante, les apparitions de Richard Gere sont comme de grosses bulles d’air frais. Il se dégage de son personnage une patience et une bonté absolue. Mais la folie de sa femme et son attirance pour une professeur de golf (Helen Hunt) révèlent petit à petit ses fêlures. Et le choix de Richard Gere (qui livre l’une de ses plus belles interprétations, toujours dans la note juste) pour ce rôle est l’une des plus belles idées du film : en apparence, le gynéco est la perfection faite homme. Beau, toujours attentif, d’un calme à toute épreuve, réconfortant et rassurant… il ne comprend en effet strictement rien aux femmes (« qu’il observe toujours par le mauvais goût », comme le dit si bien Robert Altman dans une interview en bonus du DVD), qu’il étouffe littéralement.
N’y a-t-il donc personne qui trouve grâce aux yeux d’Altman ? Si : Maryline (Liv Tyler), la demoiselle d’honneur choisie par la fille aînée du bon docteur T pour son mariage, qui ne dissimule pas son homosexualité, ni son amour pour la future mariée. Cette dernière finira, au dernier moment, par envoyer promener les conventions dans lesquelles elle a grandi, et à crier ouvertement son amour pour Maryline. Ouf !, ce monde d’apparence et de mensonges n’est pas inéluctable. Finalement, Altman est un optimiste…
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