Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Napoléon – d’Abel Gance – 1927 (restauration 2024)

Classé dans : 1920-1929,2020-2029,FILMS MUETS,GANCE Abel — 3 décembre, 2024 @ 8:00

Napoléon 1927

Voilà le film le plus long de ce blog : près de 7h30 de projection. Peut-être même le plus ambitieux, le plus énorme, et le plus mythique. Et c’est pourtant un film inachevé, ou plutôt le premier volet d’une immense saga qui devait retracer toute la vie de Napoléon jusqu’à sa mort. Parce que ces 7h30 hallucinantes se concentrent sur la jeunesse et l’ascension de Bonaparte, jusqu’au début de sa triomphale campagne d’Italie, en 1797.

Le Napoléon d’Abel Gance a toujours été un grand classique du cinéma, quelle que soit son montage (le plus récent et le plus complet, datant d’il y a une vingtaine d’années, dépassait déjà les 5h). Mais jamais, depuis près d’un siècle, on n’avait eu l’occasion de voir ce qui ressemble bien à la vision définitive de Gance, qui plus est avec une restauration qui frôle la perfection : 7h18 de film, donc, projeté en deux parties.

Au-delà de l’intérêt historique de la chose, Napoléon surprend et émerveille par l’ampleur de sa mise en scène, et par sa beauté visuelle assez hallucinante. A vrai dire, il semble bien qu’il n’y ait pas le moindre plan anodin dans cette fresque fleuve. C’est comme si Abel Gance (qui se réserve le petit rôle de Saint-Just) avait pensé chaque image comme une œuvre en soit. Pour dire ça autrement : il y a plus de cinéma dans une seule scène de Napoléon que dans la majorité des blockbusters actuels.

Voir Napoléon aujourd’hui impressionne d’ailleurs par cette ambition formelle, et par les moyens qui y sont déployés : des centaines, voire des milliers de figurants à l’écran, une reconstitution historique impressionnante, et surtout une invention formelle de chaque instant. On a beaucoup parlé du triple écran, innovation technique spectaculaire qui se résume à vrai dire au dernier quart d’heure, soulignant l’ampleur et la dimension quasiment mystique de la campagne d’Italie. Mais ce n’est finalement qu’une innovation parmi d’autres.

Un montage savant, des travellings dynamiques qui nous plongent au cœur de l’action et des drames, une caméra portée autrement plus convaincante que les excès du cinéma hollywoodien récent qui rendent l’action illisible… Ce n’est pas la première fois qu’Abel Gance signe une grande fresque qui est aussi du cinéma total : quatre ans plus tôt, La Roue était déjà un immense chef d’œuvre d’une invention et d’une maîtrise hallucinantes.

L’ambition est sans doute plus grande encore pour Napoléon. Et même s’il n’évite pas quelques longueurs (dans la partie finale surtout, qui flirte avec la grandiloquence), le film bénéficie d’un rythme incroyable, tout au long de séquences toutes mémorables. Dès la première : magnifique évocation de l’enfance de Bonaparte à l’école militaire de Brienne, avec une bataille de boules de neige homérique et la présence très symbolique (et émouvante) d’un aigle.

Le plus impressionnant : le siège de Toulon, sommet de mise en scène qui confronte la légende de l’homme aux horreurs des combats. Et voilà sans doute l’une des plus grandes batailles jamais filmées au cinéma. Parce que Gance y filme aussi bien le mouvement général des combats que les visages rageux et les corps détruits, avec un mélange d’efficacité et d’émotion inégalé.

Le film est ainsi une succession de grands moments, d’événements historiques plus ou moins romancés, qui sont aussi une manière de raconter la révolution française du point de vue de Napoléon. La manière dont Gance réussit à garder ce point de vue, alors que l’homme ne participait pas aux événements, est brillante : il filme Bonaparte installé à son bureau, dans un appartement qui domine la scène, manière de l’inclure dans le récit tout en l’en gardant à distance.

Gance accorde aussi beaucoup d’attention aux autres personnages, historiques pour la plupart, à commencer par sa rencontre avec Joséphine, et leur passion naissante. Mais les plus beaux personnages, ceux qui donnent du relief à ces figures historiques, ce sont les gens du peuple, en particulier la jeune femme jouée par Annabella (dans son tout premier rôle), jamais bien loin du futur empereur, qu’elle aime d’un amour secret.

La plus belle scène du film est, d’ailleurs, peut-être celle qui s’éloigne le plus des faits historiques. Ce moment où la jeune femme se laisse emporter par son imagination romantique : ses « noces » avec l’ombre si reconnaissable de Napoléon. La puissance de la mise en scène de Gance, entièrement au service de l’émotion… C’est beau.

On pourrait évoquer à peu près n’importe quel moment du film, tant il est riche. Ou simplement conclure : voir Napoléon dans cette version là est une expérience de cinéma rare.

Maverick : s.2 ép.19 – Duel at Sundown (id.) – épisode réalisé par Arthur Lubin – 1959

Classé dans : 1950-1959,EASTWOOD Clint (acteur),LUBIN Arthur,TÉLÉVISION,WESTERNS — 2 décembre, 2024 @ 8:00

Maverick Duel at sundown

Avant d’être un western parodique des années 90 avec Mel Gibson et Jodie Foster, Maverick était une série télé, dont le héros, un joueur de poker de l’Ouest, était incarné par James Garner. James Garner qui incarnera le père de son personnage dans l’adaptation cinématographique de 1994. La série est assez anecdotique, et a nettement moins bien vieillie que d’autres de la même période, comme Le Virginien ou, même Rawhide.

La série est restée inédite en France. Mais un épisode, au moins, figure dans quelques bouquins : le 19e de la deuxième saison, intitulé Duel at Sundown, dans lequel Maverick retrouve un vieil ami dont la fille s’est amourachée d’un jeune cowboy manipulateur et lâche. Et si cet épisode précis est important, c’est parce que le manipulateur en question est interprété par un certain Clint Eastwood.

C’est même le dernier rôle du jeune Clint avant ses premiers pas de vedette à part entière dans sa propre série, Rawhide, pour laquelle il venait de signer. Dans Maverick, il ne tient encore qu’un rôle secondaire, finalement assez mal écrit. Mais il y fait preuve d’un certain tempérament qui n’apparaissait pas dans ses tout premiers rôles, souvent nettement moins consistants.

L’épisode, pas transcendant et pas franchement trépidant, vaut surtout pour sa prestation. Et pour sa rencontre avec James Garner, qu’il retrouvera quarante ans plus tard pour Space Cowboys, autrement plus enthousiasmant.

La prochaine fois je viserai le cœur – de Cédric Anger – 2014

Classé dans : * Polars/noirs France,2010-2019,ANGER Cédric — 1 décembre, 2024 @ 8:00

La Prochaine fois je viserai le cœur

Avec son précédent film, L’Avocat, Cédric Anger s’était perdu en se vautrant dans l’hyper-référence, incapable de s’affranchir de ses références, cinéastes américains nettement plus doués que lui (Scorsese et ses Affranchis, justement). Avec La prochaine fois je viserai le cœur, son troisième long métrage, Anger reste fidèle au polar, mais évite cette fois les comparaisons évidentes.

C’est une histoire vraie en l’occurrence, un peu oubliée : une série de crimes (un meurtre, et cinq tentatives) commis dans l’Oise à la fin des années 1970 par un mystérieux agresseur qui s’avérera être l’un des gendarmes travaillant sur l’enquête. Ce qui n’est pas divulgacher le film, puisque c’est le point dudit gendarme-tueur qu’Anger adopte, quasiment sans jamais le quitter.

Et c’est la grande force du film : le choix de ce point de vue, qui nous place au plus près d’un homme obsessionnel et visiblement bourré de frustrations explosives, dont les crimes semblent totalement gratuits (ni vol, ni viol), et mus par une rage que l’homme ne peut contenir. Pas de psychologie facile non plus : Anger filme assez frontalement, factuellement.

Le résultat est évidemment très dérangeant, sentiment renforcé par la présence de Guillaume Canet, acteur généralement très sympathique, impeccable et glaçant dans le rôle de cet homme hanté, dangereux, et malade. Le film doit beaucoup à cette manière si quotidienne et si flippante en même temps d’incarner ce gendarme-tueur pathétique.

La VRP de choc (The First Traveling Saleslady) – d’Arthur Lubin – 1956

Classé dans : 1950-1959,EASTWOOD Clint (acteur),LUBIN Arthur,WESTERNS — 24 novembre, 2024 @ 8:00

La VRP de choc

« Well, I’m a lady »« You sure are, mâme ». Ce jeune soldat au grand sourire innocent, troublé comme un gamin maladroit devant les avances de Carol Channing, c’est Clint Eastwood, dans ce qui est l’un de ses rôles les plus conséquents d’avant Rawhide.

Il n’a qu’un second rôle, mais son nom apparaît en sixième position au générique (un rang plus loin que Francis in the navy, l’année précédente), et ses apparitions tout en niaisitude assumée sont incontournables pour tout fan de Clint. C’est d’ailleurs à peu près la seule raison valable de voir cette comédie westernienne qui n’a ni le côté trépidant d’un western… ni le côté simplement drôle d’une comédie.

La VRP de chox Clint

Il y a Ginger Rogers, quand même, dans le rôle de la première femme voyageuse de commerce, une sorte de militante des droits des femmes dans un monde très machiste, et dans un film très maladroitement féministe qui tape constamment à côté de la cible. Certes, les femmes y ont le dernier mot, mais toujours dans le cadre bien établi d’une relation traditionnelle dépendant largement des hommes : le mariage.

Tout ça est, tout de même, vaguement sympathique, et mené sans génie mais avec un certain rythme par Arthur Lubin, réalisateur mineur, mais important pour les débuts au cinéma (et à la télévision) d’Eastwood. Ce dernier étant la principale raison de revoir certains films d’un réalisateur dont les films sont, à quelques exceptions près (Impact surtout, mais aussi Des pas dans le brouillard), très dispensables. Dont celui-ci.

Au boulot ! – de Gilles Perret et François Ruffin – 2024

Classé dans : 2020-2029,DOCUMENTAIRE,PERRET Gilles,RUFFIN François — 23 novembre, 2024 @ 8:00

Au boulot

Il est un peu le Michael Moore français, en plus drôle et moins manipulateur, mais avec la même sincérité, et la même croyance dans la force du cinéma pour dénoncer, et pour tenter de réparer les injustices. Il est aussi le député de mon petit coin picard. Et même si je n’ai pas l’habitude de faire de la politique sur ce blog, je dois reconnaître être sorti de la salle avec une vraie fierté, en plus d’un large sourire.

Parce qu’on sort avec le sourire de ce film malin et redoutablement efficace, qui nous plonge dans le quotidien de vrais gens d’ici et là, de ceux dont Ruffin ne cesse de rappeler l’existence et les difficultés : un livreur de colis, un agriculteur, un bénévole du Secours Populaire, les ouvriers d’une usine de poissons, ou encore une aide-soignante… Autant de travailleurs aux revenus modestes (oui, surtout le bénévole) dont le regard de Ruffin et la caméra de son complice Gilles Perret soulignent l’humanité.

Pas de misérabilisme, mais un regard sans concession sur cette France invisibilisée et méprisée au quotidien par des chroniqueurs forts en gueule dans des médias aussi écœurants que CNews, C8 ou d’autres. En l’occurrence, c’est sur le plateau des Grandes Gueules de RMC que Ruffin a eu l’idée de génie qui donne son relief à ce nouveau film. En débattant avec Sarah Saldmann, « juriste » (comme elle se présente) et chroniqueuse habituée des avis très tranchés. Et très tranchants.

Les Smicards devraient déjà être contents de gagner 1300 euros, a-t-elle lancé en substance. Ça et ses propos sur les « feignasses », les « glandus » qui profitent des arrêts maladies au premier coup de froid, il n’en fallait pas plus (mais c’est déjà pas mal, reconnaissons le) au député-réalisateur pour lancer une invitation à cette grande bourgeoise parisienne : et si elle venait vivre la vie de ces Smicards ?

Il faut reconnaître à Sarah Saldmann un certain courage, ou une profonde inconscience. Ou à François Ruffin une capacité de conviction qui repose sans doute sur l’humanité qu’il dégage : pas de colère dans ses rapports avec la jeune femme, qui représente pourtant à peu près tout ce qu’il combat, mais une profonde envie de convaincre, et surtout de lever le voile sur ces glandus trop souvent résumés à leur catégorie sociale.

Bref : elle a accepté. Le film aurait sans doute existé sans elle, mais il n’aurait pas cette force comique et émotionnelle. Parce que le contraste entre la vie de l’avocate-chroniqueuse et celles qu’elle découvre dans son voyage à travers la France est saisissant, et qu’il est souvent source de sourires, et même de rires francs. C’est le regard de Ruffin qui veut ça, cette capacité qu’il a dans ses films de transformer la réalité sociale en comédie (ou le contraire) pour mieux pointer du doigt les réalités qui font mal.

Et c’est bouleversant, parce que les gens que filment Ruffin et Perret sont beaux. Derrière leurs visages parfois marqués, derrière leur élocution parfois hésitante, derrière les sourires pas dupes ou une dentition cachée qu’on n’a pas les moyens de refaire, c’est l’humanité dépouillée que dévoile le film. Il faut reconnaître que Ruffin a le sens du casting : ses « vrais gens » sont bouleversants de sincérité, de fragilité, d’humilité, et même de fierté, à l’image de cette magnifique aide-soignante qui, consciente de la dureté de son métier, le brandit comme un étendard, comme « le plus beau métier du monde ».

Sarah Saldmann elle-même est un personnage passionnant. Tellement décomplexée, tellement coupée des réalités dans son monde fait de brunchs et de défilés de mode, que sa découverte de ce qu’est réellement le quotidien de ceux qu’elle critique à longueur de chroniques sans avoir la moindre idée de ce qu’ils vivent est brutal, et même émouvant. Subrepticement arrachée à cette indécence médiatique dans laquelle est se vautre habituellement.

Elle en devient même étonnamment sympathique. C’est sans doute la magie du cinéma que de nous faire croire que tout est possible, que le vilain crapaud tout blond peut se transformer en altermondialiste enflammé. Bon… La réalité finit par se rappeler à notre bon souvenir, et Sarah Saldmann est virée avant la fin du tournage pour avoir refusé de critiquer les attaques d’Israël sur Gaza.

La fin du film n’est donc pas le « happy end » espéré par Ruffin et Perret, qui nous offrent toutefois une conclusion euphorisante et profondément émouvante sur la plage de Fort-Mahon (c’est sur la côte picarde), avec tapis rouge, champagne, et un sourire à la dentition parfaite qui nous file un shoot de joie et d’émotion comme on n’a rarement l’occasion d’en vivre au cinéma.

Lettres d’Iwo Jima (Letters from Iwo Jima / Iōjima kara no tegami) – de Clint Eastwood – 2006

Classé dans : 2000-2009,EASTWOOD Clint (réal.) — 22 novembre, 2024 @ 8:00

Lettres d'Iwo Jima

Ne serait-ce que parce qu’il existe, Lettres d’Iwo Jima est un film exemplaire, et important. Y a-t-il, dans l’histoire du cinéma, une expérience comparable à celle que propose Clint Eastwood avec son diptyque sur la bataille d’Iwo Jima ? C’est fort possible, mais rien ne me vient à l’esprit. Pas, en tout cas, avec cette volonté d’adopter aussi radicalement des points de vue opposés.

C’était il y a pas loin de vingt ans, et la nouvelle en avait surpris plus d’un : après avoir officiellement lancé Mémoires de nos pères, Eastwood annonçait qu’il réaliserait un second film sur la guerre du Pacifique, et sur la même bataille, mais du point de vue des Japonais. Mieux : un film en Japonais, dont tous les personnages sont joués par des acteurs japonais, et où les Américains se contenteraient d’apparitions.

Ce choix pouvait laisser dubitatif, et laisser craindre une opération bonne conscience. Mais Lettres d’Iwo Jima vaut bien mieux que ça. Il n’a rien d’un simple complément au point de vue américain de son précédent film. A vrai dire, les deux films sont assez radicalement différents au niveau de la structure, et même de l’esprit. Mémoires de nos pères était une réflexion passionnante sur la figure du héros, avec une construction complexe qu’Eastwood reprendrait dans Sully. Lettres d’Iwo Jima, à l’opposée, adopte une narration très linéaire.

Linéaire, mais d’une grande richesse, et d’une extrême sensibilité, ce qui ne saurait désormais surprendre de la part du cinéaste. Ce qui peut un peu plus surprendre, c’est à quel point son film dénonce les horreurs et l’absurdité de la guerre, et de tout sentiment de patriotisme. De quoi balayer définitivement les caricatures encore souvent faites d’Eastwood. Américains ? Japonais ? Quelle différence, au fond…

Bien sûr, le film n’est pas si simpliste. Il n’élude pas, loin s’en faut, la fierté jusqu’au-boutiste d’un peuple qui avait élevé au rang de devoir national la nécessité de vaincre ou mourir au combat. Cet aspect mortifère est omniprésent, il est même le cœur battant de ce film bouleversant, qui concentre habilement le gâchis de cette guerre sur deux personnages principaux, très différents mais également tiraillés.

D’un côté, un jeune soldat sans expérience et sans envergure, Saigo (Kazunari Ninomiya), pour lequel la guerre se résume à creuser : creuser des tranchées inutiles sur une plage d’un noir d’encre, puis creuser d’interminables galeries dans lesquelles son destin va se jouer, comme s’il creuser sa propre tombe. Un gamin, presque, hanté par la promesse qu’il a faite à sa jeune épouse de rentrer vivant.

De l’autre, le général Kuribayashi (la star Ken Watanabe), propulsé à la tête de ces troupes chargées de défendre l’île si inamicale et stérile d’Iwo Jima. Très vite conscient qu’il n’y a pas d’autre issue que la mort, l’officier est pourtant hanté par ses années d’études passées aux États-Unis, par les amitiés qu’il s’y est faites, par l’absurdité de devoir tuer des hommes qui sont les ennemis de son pays, mais qu’il considère comme des frères.

Ces deux portraits qui ne cessent de se croiser sont l’armature de ce film déchirant, où la guerre n’est d’abord qu’une rumeur lointaine, dont on ne voit rien d’autre que les préparatifs des hommes pour une bataille que l’on sait être terrible (parce qu’elle est dans les livres d’histoire, et parce qu’on a en tête les images de Mémoires de nos pères). Eastwood prend son temps. L’irruption de la violence, soudaine et radicale, n’en est que plus saisissante.

Visuellement, le film est très proche de Mémoires de nos pères dans son absence presque totale de couleurs vives. Une tendance lourde alors, dans le cinéma d’Eastwood, qui tendait de plus en plus vers ce qui ressemble à du noir et blanc. Dans les tunnels sans fin d’Iwo Jima, l’effet est particulièrement saisissant, et souligne les visages fantomatiques de ces morts en marche, et la force de ce grand film de guerre humaniste.

Brisants humains (Away all boats) – de Joseph Pevney – 1956

Classé dans : 1950-1959,EASTWOOD Clint (acteur),PEVNEY Joseph — 21 novembre, 2024 @ 8:00

Brisants humains

Vie et déclin d’un navire de guerre… Ce pourrait être le titre de ce film de guerre presque naturaliste de la Universal, studio alors spécialiste des productions bon marché, qui a pour une fois cassé la tirelire pour ce qui est un relativement gros budget.

Relativement, parce que ce film sur la guerre du Pacifique, tourné une dizaine d’années après la fin du conflit, donne finalement peu de place aux scènes de combats. Il y a bien quelques échauffourées, et surtout une grande séquence assez spectaculaire d’attaque kamikaze, mais l’essentiel est ailleurs.

Dans les creux, en fait. En tout cas dans tout ce qui fait la vie à bord d’un tel navire, chargé de transporter les troupes vers les lieux des combats. Les premiers pas maladroits d’un équipage encore novice, l’attente, les amitiés et les inimitiés, et surtout la solitude du commandant, joué par la star maison Jeff Chandler.

Ce n’est certes pas le film le plus trépidant du genre. Joseph Pevney, d’ailleurs, n’a pas une réputation immense. Mais il se révèle un réalisateur habile et efficace, sans grande personnalité sans doute, mais capable de donner une vraie intensité quand il le faut. Il met en tout cas très « proprement » en images un scénario qui fait la part belle aux personnages.

La narration est parfaite, soulignant chaque individualité par ce qu’il accomplit (ou pas) plutôt que par des mots. C’est parfois sombre (le personnage de Chandler), mais souvent teinté d’humour (cet officier qui attend désespérément des nouvelles de sa femme enceinte), voire très léger (le marin chargé d’évacuer les déchets), mais toujours convaincant et pertinent.

Le réalisateur tire le meilleur d’acteurs souvent maison, aux tempéraments forts (Richard Boone, Charles McGraw, John McIntire) ou plus consensuels (George Nader, Julie Adams, Lex Barker), mais qui tous imposent leur personnalité sans étouffer le collectif de cet équipage, et de ce casting foisonnant.

Brisants humains Clint

Au passage, on remarque la courte apparition (un plan, mais aussi un dialogue) de Clint Eastwood, tout jeune en encore sous contrat avec la Universal, en infirmier très impliqué au côté du commandant dans la dernière partie, durant le grand morceau de bravoure du film.

Il y a beaucoup de petites idées originales qui font mouche, dont beaucoup soulignent la solitude et le dévouement du grand chef. Quand il tente de nouer la conversation avec des hommes trop occupés à lire des courriers de leurs proches qu’ils attendaient depuis si longtemps. Quand il tente, avec la parole et les gestes, d’écarter l’avion japonais qui se dirige droit vers le bateau…

Pas un chef d’œuvre, non. Mais avec cette attention portée aux détails, Away all boats se révèle original, convaincant, et très recommandable.

Histoires fantastiques : Vanessa (Amazing Stories : Vanessa in the garden) – s.1 e.12 – de Clint Eastwood – 1985

Classé dans : 1980-1989,COURTS MÉTRAGES,EASTWOOD Clint (réal.),FANTASTIQUE/SF,TÉLÉVISION — 20 novembre, 2024 @ 8:00

Histoires Fantastiques Vanessa

Depuis la fin de Rawhide, Clint Eastwood n’a plus jamais retravaillé pour la télévision, comme il l’avait fait à plusieurs reprises à ses débuts, enchaînant les rôles plus ou moins importants dans des séries plus ou moins mémorables. A une exception près : la réalisation d’un épisode d’Histoires fantastiques, la série anthologique produite (et souvent écrite) par Steven Spielberg.

Vanessa in the garden est donc l’unique réalisation du cinéaste pour la télé. C’est aussi son unique court métrage, et la toute dernière fois qu’il dirige Sondra Locke, près de dix ans et six longs métrages en commun après Josey Wales. Tant qu’on est aux premières et aux dernières, c’est aussi l’unique participation d’Harvey Keitel à un film d’Eastwood.

L’acteur, pas dans sa période la plus glorieuse (c’était bien après Taxi Driver et bien avant La Leçon de piano), incarne un peintre à la fin du XIXe siècle, qui ne vit et ne peint que pour son épouse, Vanessa, jouée par Sondra Locke. Qui meurt écrasée à la suite d’un accident causé par un coup de tonnerre soudain.

Et voilà l’artiste incapable ni de vivre, ni de peindre, qui est bientôt sujet à d’étranges apparitions : Vanessa, qui semble reprendre vie dans les postures dans lesquelles son mari l’a peinte. Est-ce une hallucination ? Le peintre sombrerait-il dans la folie ? Ou y a-t-il de la magie là dedans… Qu’importe : c’est surtout, de nouveau et plus que jamais, une source d’inspiration sans fin pour l’artiste amoureux.

C’est un joli court métrage que signe Eastwood, dans une atmosphère un peu cotonneuse, presque évanescente, qui rappelle certaines scènes de Sudden Impact, le dernier long métrage dans lequel il dirigeait sa compagne d’alors. Pourtant, l’émotion qu’il a su faire naître dans quelques-uns de ses plus beaux films, de Breezy à Sur la route de Madison, reste très contenue, comme si ces vingt minutes étaient trop courtes pour qu’il puisse s’exprimer pleinement.

La musique y est peut-être pour quelque chose. Elle est pourtant signée par son fidèle complice Lennie Niehaus (mais avec le thème de John Williams, fidèle complice, lui, de Spielberg), mais n’a pas la délicatesse de ses meilleurs scores, comme calibrée pour donner une cohérence sonore, très datée années 80, à la série. Ça n’en reste pas moins une jolie curiosité.

Grace is gone (id.) – de James C. Strouse – 2008

Classé dans : 2000-2009,STROUSE James C. — 19 novembre, 2024 @ 8:00

Grace is gone

Très joli film que ce Grace is gone (et quel beau titre), parfait pour terminer une journée un peu éprouvante émotionnellement ! John Cusack, pas encore cantonné aux nanars direct-to-video, incarne un père un peu austère (franchement chiant, même), qui apprend que sa femme, militaire, a été tuée en Irak.

Incapable de l’annoncer à leurs filles, il décide de les emmener sur la route pour une virée inédite vers un grand parc d’attractions, pour leur apporter la joie et l’attention dont, au fond, il n’a jamais été capable jusqu’à présent.

Un sujet primesautier, donc, pour un film très délicat et très tendre, qui trouve vite son rythme après des premières minutes qui laissent dubitatifs, le jeune cinéaste James C. Strouse, dont c’est le premier long métrage, appuyant un peu lourdement sur la dimension austère du padre, campé par un Cusack très dans le ton.

Une fois sur la route, la douce petite musique s’installe, mélancolique et légère, et l’émotion retenue avec elle. En parlant de musique, Grace is gone est aussi le seul film dont Clint Eastwood a composé la bande son sans être derrière ni devant la caméra. Oui, LE Clint Eastwood, qui s’impliquait alors de plus en plus dans la musique de ses propres films.

Celle de Grace is gone, pour laquelle il a été nommé aux Golden Globes, serait d’ailleurs une sorte de prolongement de celle de Million Dollar Baby : des chutes musicales composées pour son film oscarisé, non utilisées, et développées pour l’occasion, après que Clint a été séduit par le scénario.

Difficile de dire à quel point il s’est impliqué dans ce projet, mais il a aussi cosigné la chanson qui clôt le film (sur des torrents d’émotion), et son fils Kyle a arrangé la bande son. La musique, si eastwoodienne avec ses notes de piano tout en sobriété, donne d’ailleurs au film un rythme et un ton qui ne peuvent pas ne pas évoquer les films de Clint.

The Blues : Piano Blues (id.) – de Clint Eastwood – 2003

Classé dans : 2000-2009,DOCUMENTAIRE,EASTWOOD Clint (acteur),EASTWOOD Clint (réal.) — 18 novembre, 2024 @ 8:00

Piano Blues

Le documentaire occupe une place importante dans la carrière de Martin Scorsese. Il faudra, un jour, que ce blog se penche sur ce pan méconnu de sa filmographie. Il a notamment produit une série consacrée aux racines du blues : sept films confiés à autant de cinéastes (dont lui-même) passionnés par le genre.

La série se clôt par ce Piano Blues, signé Clint Eastwood, qui s’y met en scène interrogeant de grands pianistes pour ce qui est un grand cri d’amour au genre musical très large qu’est le blues autant qu’à l’instrument et à ceux qui lui consacrent leur vie.

Le procédé, dans un premier temps, semble assez rudimentaire : dans un studio, Clint accueille et interroge quelques grands pianistes, qui évoquent leurs premières influences, et se mettent aux claviers pour une sorte de bœuf entre amis, de nombreuses images d’archives mettant en scène lesdites influences.

Très classique, et assez banal finalement. Mais Clint est là. Et en interrogeant des pointures comme Ray Charles, Dave Brubeck, et d’autres grands moins unanimement connus comme Jay McShann ou Dr. John, ce sont ses propres souvenirs qu’il invoque : ses coups de cœur fondateurs du tournant des années 1950.

Et plus le film avance, plus il donne le sentiment de nous confronter à une source d’influence majeure de son cinéma, sorte de complément précieux à Honkytonk Man ou Bird, mais aussi porte d’entrée pour toute sa filmographie. De son premier film (Un frisson dans la nuit) à son implication dans la bande son de ses films plus récents, la musique est au cœur de la filmo de Clint, jusque dans les scores très jazzy de ses polars urbains.

Piano Blues est un jalon essentiel pour appréhender la cohérence de toute son œuvre, comme une porte ouverte vers la jeunesse et les passions les plus intimes du cinéaste. Passionnant.

12345...335
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr